HISTOIRE ET PATRIMOINE

HISTOIRE ET PATRIMOINE

Valmont est un village « neuf » dont l’origine semble remonter au Moyen Âge. En 1087, Guillaume le Conquérant décède, partageant sa succession entre Robert Courteheuse, fils aîné, qui est le nouveau duc de Normandie et Guillaume le Roux, fils puîné, qui devient roi d’Angleterre. Une lutte fratricide commence alors. Pour se protéger contre un éventuel débarquement à Fécamp des troupes de Guillaume, Robert organise un rideau défensif à quelques lieues de la côte. Valmont en est l’élément principal, situé au carrefour de deux voies essentielles : Fécamp-Rouen d’une part et Harfleur-Dieppe d’autre part. Ce qui est essentiel pour la circulation rapide et efficace des troupes.

Le patronyme Valmont, longtemps orthographié Vallemont, viendrait de l’expression latine vallo monte qui signifie littéralement je fortifie avec une palissade de bois sur un promontoire. Effectivement, le château de Valmont, qui était probablement en bois à son origine, se trouve sur un lieu élevé, dominant la vallée, triangulaire, appelé éperon barré, protégé sur deux côtés par la pente naturelle et par un fossé aménagé au niveau du troisième côté.

Robert Courteheuse confie cette organisation à un fidèle compagnon de son père depuis Hastings, Robert d’Estouteville qui a déjà fait la preuve de son expertise en matière de décence, avec la construction d’un important château sur motte à Etoutteville, près d’Yvetot, son fief d’origine.

 L’Abbaye Notre-Dame du Pré…
…fut fondée en 1169 par Nicolas d’Estouteville, petit-fils de Robert. Son souhait était d’en faire un lieu de prière et une nécropole familiale. Son tombeau se trouve dans l’église. Nicolas fut tué lors d’un combat contre Henri II Plantagenêt. L’Abbaye possédait de nombreuses terres et avait une grande importance dans toute la région. Elle fut confiée à des Bénédictins détachés de l’Abbaye de Hambye qui la firent vivre pendant des siècles jusqu’en 1791, date à laquelle elle fut vendue comme bien national. Elle passa ensuite aux mains de propriétaires privés. En 1994, l’Abbaye retrouve sa vocation première en accueillant les sœurs Bénédictines de Lisieux. A noter, la présence fréquente dans ces murs d’Eugène Delacroix entre 1813 et 1849 où il vint loger chez ses cousins. L’artiste peignit de nombreux dessins et aquarelles de l’Abbaye et des alentours.

Valmont est donc un bourg castral qui s’étend au pied du château dont il est l’émanation, accueillant d’abord les ouvriers constructeurs et tout ce monde nécessaire à « l’intendance », puis un commerce florissant qui attire toute la campagne environnante. La configuration du bourg est caractéristique, avec une disposition radiaire des parcelles (en rayons de roue), organisée autour de la place. Chaque propriété dispose d’une façade ouverte vers la place et une arrière cour donnant vers la rivière ou vers la rue neuve (actuelle rue Louis Barbier) . Sur cette place se trouvent l’église et son cimetière, le prétoire, la geôle, le pilori, la halle aux grains, les hallettes. Deux fois par semaine s’y déroule le marché.

L’abbaye.

Nicolas d’Estouteville, petit-fils de Robert, fonde en 1169, l’abbaye Notre-Dame qui sera jusqu’à la Révolution la nécropole de la famille d’Estouteville. D’abord romane, elle a été transformée au XVIe siècle, sous l’impulsion de l’abbé Jean Ribaut. La chapelle axiale, dite des Six-Heures est un joyau de la Renaissance. Les vitraux, également du XVIe, relatent des épisodes de la vie de la Vierge. Les cénotaphes de Nicolas et de Jacques d’Estouteville, magnifiquement sculptés peuvent également être admirés dans le déambulatoire. En 1792, l’abbaye est vendue comme bien national à Nicolas Bataille de Montcornet. Elle se transmet dans cette famille, successivement sous les noms de Bataille, Bornot, Béraldi et Méra jusqu’en 1993. La congrégation Notre-Dame-du-Pré, venant de Lisieux, en fait alors l’acquisition, s’y installe et réhabilite les ruines qui restent, c’est-à-dire le chœur, le transformant en une élégante église abbatiale. En octobre 2022, pour raison de santé, les sœurs abandonnent leur couvent, avec regrets.

Au XIXe siècle, Eugène Delacroix est venu plusieurs fois en villégiature à l’abbaye de Valmont. Nicolas Bataille qui a acheté l’abbaye était veuf de Marguerite-Françoise Delacroix, une tante du célèbre peintre. Il aimait beaucoup cet endroit et venait avec plaisir passer des vacances chez ses cousins Bataille, puis Bornot, de 1813 à 1849

Le château.

Comme nous venons de le voir, son origine remonte à la fin du XIe siècle. Très vite la pierre supplée le bois. Le donjon, partie la plus ancienne qui subsiste actuellement, est typique de cet art militaire anglo-normand du XIIe siècle, de forme carrée, renforcé de contreforts plats.

La guerre de Cent Ans ne l’a pas épargné. Pris et repris plusieurs fois, Valmont ne compte plus que neufs chefs de famille au lieu de soixante-dix avant cette guerre. La forteresse a beaucoup souffert. Michel d’Estouteville en assure la reconstruction quasi complète, à partir de 1469. Seul le donjon a résisté.

Au XVIe siècle se répand le style Renaissance. Adrienne d’Estouteville, très proche de François 1er, transforme l’aile sud du château en une résidence lumineuse et raffinée.

A la Révolution, le district envisagea la destruction de la forteresse, projet qui fut abandonné car l’état est propriétaire de la moitié du domaine et le régisseur, Jean Labbé, est aussi maire de la nouvelle commune de Valmont. En 1805, la famille Grimaldi, descendante des Estouteville, est propriétaire du duché d’Estouteville, donc de la terre de Valmont, qu’elle doit vendre. Le fermier général des Grimaldi, Louis-Joseph Lecocq, par ailleurs secrétaire au Conseil du roi Louis XVI, administrateur de la Compagnie des Indes, s’empare de leurs biens pour les revendre. En 1825, le domaine de Valmont est racheté par le vicomte Hocquart qui le transforme en un haras renommé. Par contre il éprouve le besoin de « moderniser » le château en lui faisant adopter le style du XIXe siècle. Pour cela, il fait raboter toutes les sculptures Renaissance de la façade, fait disparaître la galerie du rez-de-chaussée et transforme les deux niveaux voulus par Adrienne en trois niveaux plus proche de l’aspect d’un immeuble haussmannien. Pour les Valmontais, il a défiguré le château des Estouteville.

Le domaine du château de Valmont est acheté, en 1841, par Henry Barbet de Jouy, industriel, pair de France, maire de Rouen. Pendant trente-quatre ans, très respectueux du lieu et de l’histoire, il s’applique à entretenir le château de Valmont où il décède en 1875. Sa fille, Zoé Cibiel, devenue propriétaire, le transmet à sa propre fille, Marie Lannelongue en 1877. Les époux Lannelongue font construire la chapelle qui se trouve dans le donjon du château et le chartrier qui a accueilli les importantes archives du château. Ils se sont aussi appliqués à racheter, à chaque fois qu’ils en avaient la possibilité, les fermes que Lecocq avait dispersées. Au décès du professeur Lannelongue, Louis Potier de la Morandière hérite du château et le transmet à son fils René en 1964. Ce dernier, après l’avoir confié pendant une trentaine d’années à Tourisme, Loisirs et Culture pour y organiser un parc de loisirs, le vend en 1999 à la famille Jobmann, actuel propriétaire.

La famille d’Estouteville

Homme venu du nord, Estout, compagnon de Rollon, est souvent désigné comme le fondateur de cette dynastie qui s’implante en Normandie, d’abord à Etoutteville, près d’Yvetot, puis à Valmont. Du XIIe siècle au XVIIe siècle, la famille d’Estouteville n’a cessé de se développer et d’accroître sa notoriété et sa fortune. Adrienne était le plus beau parti de France et, à ce titre, très courtisée. Elle épouse en 1534, François de Bourbon, cousin du roi François 1er.

Cette famille de militaires assied sa réussite essentiellement sur la loyauté et la fidélité aux souverains qu’elle sert. Ces derniers leurs en sont très reconnaissants, leurs confient des fiefs rémunérateurs et les moyens financiers nécessaires à l’entretien de leurs troupes.

La famille d’Estouteville a su aussi se livrer à une pratique répandue permettant à une lignée noble d’accroître ses possessions et de gravir les échelons de son échelle sociale : l’alliance stratégique avec une grande famille. Le mariage avec la fille unique, seule héritière d’un riche seigneur, permet cela, grâce à l’application de la coutume de Normandie. Les Estouteville sont devenus experts en cette pratique. Ils ont ainsi absorbé la baronnie de Cleuville, de la famille Talbot, les biens de la famille de Hotot, autour de Dieppe. Ils se sont aussi allié aux Paynel, aux de La Roche-Guyon, aux d’Albret, aux de Bourbon-Saint-Pol, aux de Clèves, aux d’Orléans etc. Les possessions font « boule de neige », jusqu’à la génération qui n’a pas d’enfant.

Parmi les Estouteville, certains ont fait parler d’eux plus que d’autres :

  • Pendant la guerre de Cent Ans, Louis d’Estouteville a vaillamment défendu le Mont-Saint-Michel, où jamais un Anglais n’a pu poser le pied.
  • Le Cardinal Guillaume d’Estouteville, archevêque de Rouen, légat du pape, a failli monter sur le trône pontifical. Il ne lui a manqué que trois voix. En 1452, il a présidé le procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc.
  • La terre de Valmont a été érigée en duché d’Estouteville par François 1er lui-même, en 1534, pour Adrienne d’Estouteville, le plus beau parti de France. Il a obtenu son mariage avec son très proche cousin, François de Bourbon, comte de Saint-Pol.
  • Marie d’Estouteville a été deux fois veuve, avant, dans un troisième mariage, de transmettre le duché à la famille d’Orléans.

La famille Grimaldi

Après la famille d’Orléans, Valmont passe dans les mains de la famille de Goyon-Matignon, jusqu’à ce que Jacques III se marie avec Louis-Hippolyte Grimaldi. Lorsqu’il devient prince de Monaco sous le nom de Jacques 1er Grimaldi, prince souverain de Monaco, Valmont, son abbaye, son château et ses dépendances deviennent propriétés monégasques.

Ceci explique que le prince Albert II soit venu le 13 septembre 2019 en visite officielle à Valmont, invité par le maire et son conseil municipal. Curieux de ses origines, il est revenu sur la terre de ses ancêtres, les Estouteville. Il visite l’abbaye, nécropole familiale, l’école maternelle qui porte depuis sa création le nom de Grace de Monaco, sa mère, et le chartrier du château. Une rue de Valmont, la rue des princes de Monaco, est inaugurée à cette occasion. Il est vrai que après le futur prince Honoré V et le prince Albert 1er, le prince Albert II est le troisième souverain monégasque à se rendre à Valmont.